La
rubrique tourisme : c’était cela mon emploi. Je collaborais à
Fair, hebdomadaire qu’un vaste public féminin lisait dans l’espoir
d’acquérir : élégant,
chic,
savoir-vivre et surtout cette beauté dont Babs donnait les recettes
avec une assurance confondante : « Pour sourire,
écrivait-elle, découvrez vos dents, toutes vos dents, d’un seul
coup…
Puis entrouvrez légèrement les mâchoires, posez
l’extrémité de la langue sur votre lèvre inférieure…
Vous
aurez du charme et votre vie sera changée. »
Babs
dirigeait les sourires, gonflait ou dégonflait les cheveux à
distance, tandis que je racontais l’Europe, les cathédrales, les
places fortes, les fouilles, les villes mortes. Moi aussi je savais
éveiller l’insatisfaction de mes lectrices. Je leur vendais des
désirs de fuite, des appétits de culture, des assurances-souvenirs,
de l’original, du passé garanti authentique. Grottes à sirènes,
plages aimées d’Ulysse, balcons à sérénades, châteaux à
enlèvements, pouvait-on vivre sans vous connaître ?
Je
plongeais mes lectrices en plein folklore; je leur donnais la
nostalgie des tarentelles, des processions, des semaines saintes.
Où
ne les ai-je pas emmenées ? Je promettais le génie à qui
boirait du marsala aux terrasses de nos cafés.
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