Ville
et campagne
Ce
fut le 9 avril 1756 que je quittai la ville pour n’y plus habiter,
car je ne compte pas pour habitation quelques courts séjours que
j’ai faits depuis, tant à Paris qu’à Londres et dans d’autres
villes, mais toujours de passage, ou toujours malgré moi. Madame
d’Épinay vint nous prendre tous trois dans son carrosse; son
fermier vint charger mon petit bagage, et je fus installé dès le
même jour. Je trouvai ma petite retraite arrangée et meublée
simplement, mais proprement, et même avec goût. La main qui avait
donné ses soins à cet ameublement le rendait à mes yeux d’un
prix inestimable, et je trouvais délicieux d’être l’hôte de
mon amie, dans une maison de mon choix, qu’elle avait bâtie exprès
pour moi.
Quoiqu’il
fît froid et qu’il y eût même encore de la neige, la terre
commençait à végéter; on voyait des violettes et des primevères,
les bourgeons des arbres commençaient à poindre, et la nuit même
de mon arrivée fut marquée par le premier chant du rossignol, qui
se fit entendre presque à ma fenêtre, dans un bois qui touchait la
maison. Après un léger sommeil, oubliant à mon réveil ma
transplantation, je me croyais encore dans la rue de Grenelle, quand
tout à coup ce ramage me fit tressaillir, et je m’écriai dans mon
transport : «Enfin tous mes vœux sont accomplis!»
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